Sur la photo : La Dre Elena Verdú et Mike Rosatti, technologue en soins des animaux gnotobiotiques, qui effectue des contrôles de santé sur des colonies de souris axènes à l’unité gnotobiotique axénique de l’Université McMaster.
Dans une
nouvelle étude financée par Crohn et Colite Canada, des chercheurs ont pour la première fois découvert que le développement de la colite ulcéreuse était précédé de changements bactériens se produisant dans l’intestin. Ces transformations s’avèrent de nouveaux marqueurs potentiels de l’inflammation qui peuvent faire l’objet d’une surveillance proactive chez les personnes présentant un risque de développer la colite, afin que l’on puisse les traiter avec des médicaments de précision.
Le microbiome intestinal se compose de bactéries et d’autres formes de vie microscopiques qui vivent dans notre tractus gastro-intestinal. Il s’agit d’un domaine clé de l’étude des maladies inflammatoires de l'intestin (MII), laquelle s’appuie sur de nouvelles techniques moléculaires permettant aux chercheurs d’identifier les bactéries qui colonisent l’intestin ainsi que leurs effets.
Selon la D
re Elena Verdú, auteure principale de l’article de l’Université McMaster et chercheuse financée par Crohn et Colite Canada, le principal défi est qu’une fois que la colite ulcéreuse est détectée, nous ne pouvons pas dire si ces changements intestinaux ont été causés par la maladie ou s’ils se sont produits avant l’apparition de cette dernière.
« Une grande partie de ce que nous savons au sujet du microbiome intestinal et des MII concerne la situation après l’apparition de la maladie, explique la chercheuse. Mais il s’est avéré difficile de détecter les changements du microbiote qui peuvent en fait déclencher la colite. »
Pour trouver de tels éventuels déclencheurs sous-jacents de la colite ulcéreuse, la D
re Verdú s’est tournée vers le
Projet GEM (facteurs génétiques, environnementaux et microbiens) de Crohn et Colite Canada. Lancé en 2008, le Projet GEM est une étude à long terme essentielle qui a permis l’inscription et le suivi de plus de 5 000 membres de la famille immédiate de personnes vivant avec la maladie de Crohn, dans 107 sites de recrutement à l’échelle mondiale.
L’équipe découvre des signes d’inflammation avant que la maladie ne se développe
Certains participants au Projet GEM ont en fait développé une colite ulcéreuse (CU). Pour la scientifique, c’était l’occasion d’examiner la présence ou non de changements intestinaux associés à la CU avant qu’une personne ne reçoive un diagnostic.
La métagénomique est une technique qui permet aux chercheurs d’effectuer des recherches simultanément sur l’ensemble de la composition génomique. La D
re Verdú et son équipe ont recouru à cette technique pour analyser les différences de microbiote dans trois groupes de participants :
- Pré-CU (participants sains, ne présentant aucun symptôme de CU)
- CU (participants présentant des symptômes, ayant reçu un diagnostic de CU)
- Contrôles sains (participants n’ayant jamais développé la maladie)
Sans surprise, ils ont découvert que les personnes du groupe CU présentaient une composition bactérienne et une activité génique différentes de celles des autres groupes. La constatation la plus intéressante est que le groupe pré-CU, c’est-à-dire les personnes qui développeraient plus tard la maladie, présentait également des différences fonctionnelles dans l’intestin. Dans ce groupe, l’équipe de la D
re Verdú a découvert des différences dans les gènes bactériens qui régulent les protéases, et a confirmé que cette activité était
plus élevée que chez les personnes qui n’ont pas développé la CU.
« Cela suggère que cette activité protéolytique peut être détectée avant que la colite ulcéreuse ne soit diagnostiquée, déclare la chercheuse. Elle pourrait être un important biomarqueur de la progression de la maladie ou pourrait augmenter les risques de colite en favorisant l’inflammation des intestins. »
Ensuite, à l’aide de souris axènes de l’unité gnotobiotique axénique de l’Université, l’équipe de recherche a pu confirmer que cette composition bactérienne unique, appelée « signature protéolytique », favorisait en fait une inflammation des intestins.
Un nouvel aperçu des possibilités de traitement
Les résultats offrent un nouvel aperçu des premiers stades de développement de la CU et ouvrent la voie vers une prévention ou un retardement potentiels de la maladie sans précédent.
« Le dépistage de cette signature protéolytique pourrait être un moyen pour nous d’identifier les personnes qui présentent un plus grand risque de colite ulcéreuse avant même que la maladie active ne s’installe, déclare la chercheuse. Les médicaments antiprotéolytiques, qui sont déjà en stade de développement, pourraient alors être administrés comme traitement possible pour prévenir la maladie. »
Pour Navjit Moore, présidente de la Section Fraser Valley East de Crohn et Colite Canada, c’est une bonne nouvelle.
« En tant que personne atteinte de colite ulcéreuse, je suis enthousiasmée par la façon dont ces résultats peuvent aider à façonner les futures techniques de dépistage et les traitements préventifs », déclare M
me Moore, qui poursuit un doctorat en pharmacie à l’Université de la Colombie-Britannique.
« La communauté des MII aux quatre coins du Canada travaille extrêmement fort pour recueillir des fonds visant à appuyer des recherches comme celle-ci, et il est formidable de constater les résultats positifs de nos efforts collectifs. Nous sommes très reconnaissants de la façon dont les chercheurs consacrent des années à trouver les causes et les remèdes pour les MII, et offrent une meilleure compréhension de ces maladies qui ont un impact énorme sur la vie de tant de Canadiens et Canadiennes. »
La D
re Verdú affirme que le soutien de Crohn et Colite Canada et des bénévoles qui amassent les fonds a permis aux chercheurs de partout au pays de réaliser des progrès importants. « C’est ce soutien qui rend possibles les découvertes de mon équipe de recherche. »